Skip links
Published on: PORTRAITS

Sarah François de La Vraie Dose : « Comment j’ai créé ma communauté » [Interview]

Sarah François est la créatrice de la newsletter La Vraie Dose. Autour de ce média, elle a réussi a créé une communauté très fidèle. Nous l'avons invité à discuter autour de ce thème lors de notre événement "En coulisse". Nous vous laissons découvrir cet échange enrichissant et plein de franchise.

Talenty : Merci d’être avec nous Sarah. Je pense qu’une grande partie des lectrices présentent ce soir te connaissent grâce à ta newsletter hebdomadaire, “La vraie Dose”. Est ce que tu peux revenir sur le parcours qui t’a permis de créer ce média ?

Sarah : J’ai une certaine tendance à la digression. Je vais essayer de faire rapide et simple. Je m’appelle Sarah, j’ai 27 ans, je suis entrepreneuse. Je suis la créatrice de La Vraie Dose qui est le média 100% newsletter qui envoie une vraie dose d’entrepreneuriat sans langue de bois. Chaque lundi à 7h, tous les inscrits reçoivent directement dans leur boîte mail un magazine au format newsletter.

Au delà de ça, avant La Vraie Dose, j’ai mené un premier projet pendant 6 mois qui n’avait rien à voir. C’est là en fait, que j’ai réalisé a quel point on pouvait se sentir ultra seul.e quand on est entrepreneur.e. C’est notamment grâce à cette précédente expérience entrepreneuriale que j’ai compris à quel point ça pourrait être intéressant de proposer un média un peu différent aux entrepreneurs.

Talenty : Pourquoi tu as choisi le format de la newsletter ?

Sarah : Ce que j’ai tout de suite aimé avec la newsletter, c’est qu’il y a un petit côté “c’est moi qui vient faire « toc toc » dans les boîtes mails chaque lundi matin”, qui vient créer du lien. Au delà de cela, petit à petit, autour du média est née une communauté. Mon objectif était que quand les entrepreneurs se rencontrent entre eux, il y ait du lien et toujours autant de naturel que dans la newsletter. C’est ainsi qu’est née la fameuse LVD Family. 

Sarah LVD

Talenty : Tu vas effectivement toquer chez les gens, mais avec du mailing. Tu as donc besoin de contacts. Comment t’es tu fait ta première base de contacts et comment as tu communiqué sur le fait que tu avais une newsletter ? 

Sarah : C’est le défi de la Vraie Dose, amener les gens à s’inscrire à une newsletter et défendre l’idée que ce format peut être un média à part entière. Aujourd’hui, pour beaucoup, une newsletter, c’est un spam. Ce n’est donc pas intuitif que cela peut être un média comme l’est le podcast par exemple.

Étrangement, Je n’ai pas tout de suite comprit que je construisais un média. En général, lorsqu’on veut créer un média, on développe une audience. On attire le public avec des Facebook adds, des Instagram adds, ou de la publicité. Moi, comme j’ai une newsletter pour les entrepreneurs j’avais envie de créer un gang de copains entrepreneurs autour. Je suis plutôt partie dans la logique de développer une communauté parce que je trouvais ça plus cohérent au moment où je me suis lancée.

J’avais envie que ce soit comme un café dans lequel on se retrouverait chaque lundi matin entre entrepreneurs.  Du coup, c’était plus logique d’aller à la rencontre de chacun de mes lecteurs, personnellement. J’ai pris un nombre incalculable de cafés pendant l’année 2019. C'est comme cela que j'ai développé la communauté.

Ce sont les entrepreneurs qui en ont parlé et la newsletter a pris de l’ampleur grâce au bouche à oreille. J’ai finalement développé, mon média numérique avec, une stratégie d’acquisition ancestrale, comme s’il n’y avait pas internet.

Talenty : très intéressant. Comme ton média reste numérique, retrouves-tu cette cohésion, cette communauté sur internet ? As-tu toujours le temps de rencontrer tes lecteurs uns à uns autour d’un café ?

 S.: C’est le bénéfice de développer une entreprise par rapport à sa personnalité. J’ai quand même un tempérament, de base, plutôt réservé donc je ne me voyais pas faire des conférences par exemple. C’était plus simple pour moi de commencer par rencontrer les gens un par un. Je sentais que de cette façon j’allais avoir un meilleur contact, mieux parler de LVD et mieux fédérer. 

C’est la logique d’un développement de la communauté d’avoir des ambassadeurs. Pour cela, il faut les fédérer un à un, c’est un peu comme une campagne électorale. Il faut vraiment créer du lien avec chaque personne parce que c’est là où tu passes du follower, à l’ambassadeur. C’est là où tu crées le sentiment d’appartenance. Il n’y a rien de plus efficace que d’avoir rencontrer quelqu’un en vrai.

Pas mal d’entrepreneurs font des campagnes de crowdfunding, de financement participatif. La vérité c’est que les gens qui participent aux campagnes, ce ne sont pas celles et ceux qui aiment notre projet et le découvre sur Instagram. Ce sont les personnes nous ont rencontré 1 mois avant, 3 mois avant sur un événement, sur un café, parce qu’on les avaient contacté. 

On est toujours en train de se faire une montagne pour créer une communauté. Typiquement, un poste très répendu aujourd’hui c’est le « community manager » donc, responsable communauté. Lorsque les community manager sont en poste, leurs tâches principales sont de programmer des posts Instagram, et de faire des calendrier éditoriaux. Selon moi il y a un vrai soucis. Le vrai truc du community manager, ça devrait être de développer une communauté, de créer du lien. 

Je crois qu’il y a une influenceuse américaine qui avait 8M d’abonnés sur Instagram, elle a lancé une marque de T-Shirt et elle n’en a vendu que 8. Donc, c’est bien représentatif du fait qu’on peut avoir beaucoup de followers, avec de bons calendriers éditoriaux, mais le fait de fédérer les personnes une à une, il n’y a rien de plus vrai.

Sarah LVD
crédit : Matthew Henry

Talenty : C’est vrai qu’il faut connaître les goûts de sa communauté. D’ailleurs, comment décrirais-tu la LVD family ?

Sarah : L’ avantage dans une communauté, c’est qu’on peut co-construire avec ses membres. Dans mon cas, comme je suis un média, il n’y a rien de mieux que de construire la ligne éditoriale avec toutes les rencontres que je peux faire. Petit à petit ça me permet, moi qui parle aux entrepreneurs, de capter les bons sujets, ceux qui vont particulièrement leur plaire. La LVD a complètement évoluée grâce à ça. Souvent les fulgurances, les meilleures idées que j’ai eues pour faire évoluer mon projet, c’est clairement autour d’une tasse de café avec un membre de la communauté. C’était le cas pour l’idée de créer “les bons gros cafés” par exemple. Ce sont des matinées où on se réunis avec une quinzaine d’entrepreneurs de la LVD Family où on parle d’un sujet tabou comme l’argent par exemple. Aujourd’hui LVD est un vrai magazine au format newsletter et la rubrique phare du magletter c’est un podcast privé où Lauriane était venu d’ailleurs.

L’entrepreneuriat selon moi est pluriel, il y a autant d’entrepreneuriats que d’entrepreneurs et si on veut développer un peu une ligne éditoriale impactante, on ne peut pas faire ça seul.e.

Le profil des lecteurs de LVD, c’est plutôt des auto-entrepreneurs, des micro-entrepreneurs plutôt dans les 2 premières années de leur projet et généralement qui sont à la phase où ils viennent de se dire “ok, comment je gagne ma vie avec ça ? Comment je gère l’ascenseur émotionnel où à 10h tu crois en ton projet, à 10h5 t’y crois plus et à 10h10 tu reçois le mail qui change tout”. Ils sont encore en plein questionnements difficiles à gérer seul.e et je dirais que c’est un public un peu plus féminin aussi d’après Instagram. 

Moi j’ai plus envie de viser une personnalité, un âge de vie entrepreneurial donc comme je le disais entre 0 et 2 ans. D’interview en interview, il y a toujours un petit truc à aller choper dans l’histoire de l’autre. Quelque chose qui résonne alors qu’à la base tu te dis : “Pourquoi une créatrice de bijoux se reconnaît dans l’histoire de Lauriane qui créé un média ?”  C’est parce qu’en fait, les problématiques, les questionnements sont les mêmes. Donc je vais plus aller chercher le lien au niveau de la personnalité que du genre ou que du métier.

Talenty : Les réseaux sociaux ont aussi l’air de jouer un rôle important dans la création de ta communauté. Nous te suivons beaucoup sur Instagram et tu es très active,  notamment en story tu partages beaucoup. ça faisait partie de ta stratégie d’autant incarner ton média ?

 S.: Oui, c’est un truc qui revient de façon assez récurrente dans mon parcours entrepreneurial et dans ce média. C’est qu’au début de chaque étape, je l’incarne beaucoup et à un moment j’ai une phase de lassitude. Une phase de “ça ne me suffit plus”. 

Donc la newsletter au début j’étais toute seule à l’écrire. Maintenant il y a des chroniques où j’écris seule et le podcast. Sur Instagram aussi, ça commence à m’interroger. On va dire qu’on me voit beaucoup, sauf que mon projet ce n’est pas Sarah, c’est La Vraie Dose. Donc ça, ce sont des gros points d’interrogation.

La vraie Dose Family, ce n’est pas qu’une communauté de followers Instagram. Vraiment, humainement, nous avons une espèce de sentiment d’appartenance. De ce fait, je commence à voir comment je pourrais parfois leur laisser la main pour faire des stories. Pour des raisons de logistique, c’est plus facile d’avoir du contenu qui vient de moi, mais au bout d’un moment je trouve que je tourne trop en rond. 

Sur la newsletter, il y a une rubrique qui va arriver dans quelques mois, qui sera plus collaborative. À force d’avoir la LVD Family autour de moi, d’avoir pleins d’entrepreneurs qui grandissent avec moi, je vois qu’on peut vraiment être complémentaire. C’est très enrichissant. Nous pouvons adresser des problématiques différentes et je pense que ça peut être hyper constructif qu’on soit plusieurs.

J'ai envie que le média soit plus “entrepreneur dans la vraie vie”, un peu plus réaliste, un peu moins “entrepreneurial, strass et paillettes”. J’y crois très fort même si juste avant c’est dur de lâcher prise, c’est dur de déléguer, de ne pas être control freak…

Talenty : C’est aussi hyper intéressant parce qu’on voit aussi du coup un vrai lien avec ta communauté. La question qu’on se posait c’est, comment tu passes d’une communauté d’ambassadeurs à une communauté de clients ?

Sarah : Rapidement du coup je vais expliquer le business model de LVD parce que c’est souvent le gros dilemme du média gratuit. En gros j’ai d’une part une casquette qui s’appelle, « j’incarne et je fédère by LVD » où j’accompagne les entrepreneurs de la LVD Family sur leur storytelling. D’autre part, aujourd’hui j’ai lancé la « Ebouquinerie », la librairie en ligne de LVD dans laquelle on peut bouquiner de l’entrepreneuriat sans langue de bois. 

J’ai sorti un premier E-bouquin, c’est un journal que j’ai écrit pendant 1 an pour parler de mes vulnérabilités, mes challenges, mon rapport à l’argent, tout y est passé. Justement, on en revient au fait que le prochain bouquin, ça ne sera pas moi l’héroïne de l’histoire parce que justement, je peux arriver à un moment de saturation. J’ai adoré l’écrire mais la prochaine fois, j’ai envie d’écrire sur quelqu’un d’autre, sur un autre sujet. 

Toute l’année 2019, le business model de LVD, avec l’accompagnement, c’était un financement participatif mensuel. Les adhérents accédaient à une newsletter privée et à une communauté en ligne où on s’entraidait, on pleurnichait sans juger, on s’envoyait du love.

Cela a été hyper riche d’apprentissage, je crois que j’avais calculé que j’avais déjà rencontré dans la vraie vie 60 % des clients qui avaient adhéré à ce financement participatif. Clairement, l’ensemble des clients, des entrepreneurs que j’ai accompagné sur le storytelling viennent tous de LVD. Ils sont tous lecteurs, la plupart du temps, ils sont tous venus à un “bon gros café”. Je pense que la question, ce n’est pas tellement comment ça se transforme, mais c’est dans l’autre sens. Ton client vient forcément d’un premier lien que t’as créé avec lui. Les 40% restants, c’étaient des gens avec qui je parlais déjà par messages privés. 

Talenty : En effet, se sont de vrais liens !

Sarah : C’est ça la vraie recette magique de la communauté, je pense que c’est le temps en réalité. On cherche beaucoup de techniques X ou Y diverses et variée. Effectivement c’est bien de développer son marketing aussi, mais c’est important d’être lucide sur le fait qu’il va falloir d’abord donner du temps en mode « karma ».  Je donne, je reçois et ensuite ça va vraiment engager les gens. Et une fois qu’il y aura la première « brochette » d’ambassadeurs dans la communauté, l’étape d’après, c’est qu’eux même, à leur tour ,vont emmener des gens dans la communauté.  

Talenty : Mais d’ailleurs, a quel moment tu t’es dit : « J’ai une communauté » ? Est-ce que tu as eu quelque chose autour du chiffre qui t’as impacté ? Est-ce que c’est un événement qui t’a fait dire « Ils sont là » ?

Sarah : Alors, il y a eu plusieurs déclics qui sont arrivés en même temps. Ce matin, dans la newsletter qui est parue, je parlais des gens qui « pitchent » mal nos projets, c’est-à-dire qui ne le pitchent pas comme nous on adorerait qu’ils le fassent. Elles et ils n’utilisent pas la punchline qu’on essaie de répandre partout. Moi je captais qu’une fois sur deux, les gens ne pitchaient pas LVD comme “le média 100% newsletter de l’entrepreneuriat sans langue de bois”, mais “la communauté des bons copains entrepreneurs”.

Cela pique toujours un peu que ton projet soit pitché de façon détournée, mais en même temps, tu apprends énormément. Je commençais à réaliser que c’est la LDV Family qui s’est identifiée comme une communauté. Après, je pense que le vrai déclic tangible, visible, c’est quand on a célébré les 1 an de LVD et qu’on était une cinquantaine, que les gens se parlaient entre eux.  

Moi qui suis une personne un peu timide des fois, j’étais partout en même temps. J’ai reçu pleins de love, j’avais réussi à créer le lien entre les gens. Ce qui m’as le plus touché, c’est de voir des personnes un peu du même profil que moi, qui ont commencé à aller discuter avec tout le monde. Je me suis dit d’une part, il y a du monde, d’une façon chiffrée, et d’autre part, il se passe un truc un peu stylé, il y a un sentiment d’appartenance. C’est impossible à calculer et, si on essaie de le faire, on se prend les pieds dans le tapis. 

Talenty : Est-ce que tu as un petit mot à dire sur ce que tu vas faire autour de LVD en 2020 ? Quels sont tes objectifs ? 

Sarah : Là, ma priorité c’est de gérer d’une part le business model, parce que là j’arrive depuis quelques mois à me rémunérer à un SMIC. La réalité c’est que lorsqu’on développe un projet de cœur et qu’on met de l’humain dedans, c’est très beau mais il faut vraiment être un peu pro du jonglage pour arriver à le monétiser. Donc, développer la partie économique. De plus, je trouve que ça donne une vraie crédibilité au fait que mon projet soit, certes collaboratif et communautaire, mais il n’a rien de perché. Ça peut être une belle façon de construire une entreprise pérenne aujourd’hui. 

L’autre vrai gros sujet, c’est de gérer la croissance de la communauté. Comment m’assurer que la LVD Family reste cet espace de vie, de discussion, de rencontre authentique tout en ayant de plus en plus de monde. Sachant que j’ai de moins en moins de temps pour rencontrer les gens. Donc apprendre à déléguer c’est un vrai défi.

Sarah François nous a montré qu’aujourd’hui, il était toujours possible de créer une communauté grâce au bouche à oreille. Si les techniques de marketing et le community management peuvent être intéressantes, cela ne fait pas tout. Plus encore, Sarah prouve avec La Vraie Dose que l’on peut développer son business selon sa personnalité, sans calquer un modèle préétabli.

Jolie épingle pour Pinterest 😉

Vous avez aimé cet article ? Laissez un commentaire pour prolonger la discussion :)

  1. Merci beaucoup pour cet article et cet interview ! Très intéressant, j’ai appris pas mal de trucs !

    1. Post comment

      Talenty rédaction says:

      Bonjour Lydie 🙂 Merci pour ton retour, heureuses que cet article t’ai été utile !

  2. Merci pour ce témoignage qu sort des sentiers battus.
    Et oui il n’y a pas qu une recette pour réussir.

    1. Post comment

      Talenty rédaction says:

      Oui nous faisons notre maximum pour mettre en avant des parcours différents et montrer que l’on peut réussir à sa façon 🙂

  3. Merci beaucoup d’avoir recueilli cette mine d’info et d’expérience ; et bravo à Sarah pour tout ce qu’elle accomplit our les entrepreneurs !

    1. Post comment

      Talenty rédaction says:

      Heureuses que le parcours de Sarah François ai pu t’inspirer 🙂

  4. Merci pour cet article, c’était très intéressant à lire !

    1. Post comment

      Talenty rédaction says:

      Merci Amélie ! 🙂

  5. Hello,

    Je suis parfaitement d’accord sur le fait qu’avoir un grand nombre d’abonnés sans créer de lien ni avoir de l’interaction ne sert à rien. Ce que je préfère personnellement c’est l’échange et ça restera ce qui est d plus précieux peu importe le nombre d’abonnés que j’ai eu ou que j’ai actuellement.

    Des bisous

    Morgane ✨

    1. Post comment

      Talenty rédaction says:

      Bonjour Morgane, absolument d’accord avec toi. Se sont ces interactions qui enrichissent et motivent le plus 🙂

  6. Tout à fait d’accord avec le fait de fédérer les personnes une à une. Je ne connaissais pas la Vraie dose mais merci pour cette interview je vais m’abonner à sa Newsletter !

    1. Post comment

      Talenty rédaction says:

      Bonjour Ana 🙂 Heureuses de t’avoir permise de découvrir cette pépite !