Mathilde Bourmaud est la créatrice du média Les Ambitieuses et Anthony Lacouture, est créateur du serious game ZCrea. Tous les deux considèrent ne pas rentrer dans le moule de "l'entrepreneur.e". Leur souhait, tout comme le nôtre, est de permettre à toutes et tous de s'autoriser à être ambitieux.ses.
Nous en avons discuté longuement lors d’un de nos événements “En coulisse”. Cet article est le fruit de nos réflexions et digressions sur le thème de l’ambition.
L’ambition a-t-elle un genre ?
Comme nous vous l’avions expliqué dans l’édito de Novembre 2019, Talenty n’est pas un magazine qui se définit comme féminin. Nous souhaitons nous adresser aux rêveurs et rêveuses, aux autodidactes et aux entrepreneur.euses, quel que soit leur genre. Pourtant, il est inutile de le nier, la façon dont nous sommes perçu.e.s et catégorisé.e.s dans notre société a un impact sur nos rêves et nos ambitions.
Nos deux invités, de par leur parcours, s’interrogent sur cette disparité.
Mathilde a une longue expérience de journaliste dans la presse écrite et télévisuelle. En 2017, elle fonde le média digital Les Ambitieuses.
Elle explique : “Je pars à la rencontre de femmes dans la ville ou la cité, que je considère comme le plus exact reflet de la société, des politiques publiques, de l’éducation, des médias, de la publicité et du pouvoir économique.”
En ce qui concerne Anthony, après des années dans le secteur de la santé publique, il devient en 2019, facilitateur de projets par le jeu grâce à ZCrea et artiste autodidacte.
A terme, Anthony souhaite créer un lieu “d’expérimentations dans lequel chacun et chacune pourrait exprimer et partager son authenticité, concrétiser son projet tout en bénéficiant d’un accompagnement personnalisé et d’un environnement bienveillant et positif.”
Ces deux personnalités ont su s’écouter en quittant des emplois qui ne leur convenaient plus, pour suivre leurs ambitions. Pourtant, dans l’inconscient collectif, l’ambition est encore associée aux businessmen et à la virilité.
Entreprendre au féminin ou au masculin
Dans un monde idéal (selon nous), nous pourrions entreprendre et avoir de l’ambition sans que notre genre rentre en ligne de compte.
C’est pour atteindre ce niveau d’égalité, que Mathilde a décidé de valoriser les profils de femmes ambitieuses.
La journaliste nous explique qu’avec son éducation féministe, elle a toujours eu envie de mettre en lumière les femmes et non pas LA femme. Elle s’est rendu compte que lorsqu’il était accolé au féminin, le mot “ambition” était galvaudé. “Tout de suite on avait l’image de la femme qui a les dents qui rayent le parquet. J’ai voulu prendre à bras le corps la cause féminine et le mot « ambition ». Le projet est rapidement devenu un média”.
Pour Anthony, cela n’a pas toujours été évident non plus de trouver sa place dans le monde de l’entrepreneuriat français. Avec ses qualités et ses aspirations jugées féminines, il ne s’est jamais senti à l’aise dans les cases très binaires. Bien qu’étant conscient que certaines femmes entrepreneures ont besoin de se retrouver entre elles, pour garder un “safe space”, il se trouve tout particulièrement dans les valeurs partagées par celles-ci. A contrario de l’entrepreneuriat dit non genré, souvent à dominance masculine, très axé vers le business et le chiffre d’affaire.
L’importance de la représentation
En tant que danseur autodidacte et jeune entrepreneur, Anthony a su élargir sa zone de confort en prenant des risques. En effet, il est passé de faire des chorégraphies caché dans sa chambre, à passer une audition qui lui permis de partager des loges avec des danseurs de l’Opéra de Paris.
Multipotentiel, et fort de son expérience c’est ainsi qu’il a créé ZCréa. Une solution qui aide les entrepreneurs à consolider leur business mais surtout à assumer leur posture. Le développement personnel est pour lui un outil important du processus. Il explique qu’à partir du moment où une personne est alignée personnellement, elle a plus de chance de rendre son entreprise pérenne.
“L’ambition ce n’est pas innée, ça se travaille et ça demande un gros travail sur soi-même, sur ses limites”.
Anthony veut valoriser les profils un peu plus intuitifs et sensibles, que rationnels. Il souhaite leur montrer que ces traits de caractère peuvent être un atout.
“Dans les réseaux d’entrepreneurs on nous dit souvent de gérer nos émotions, comme s’il fallait maîtriser la chose, mais les émotions sont pourtant une force. C’est dommage d’utiliser un vocable contrôlant.”
Son but est également de déculpabiliser les personnes multi-projets afin de ne pas mettre de barrières à leurs ambitions. Passionné de danse depuis toujours et d’entrepreneuriat, certaines personnes lui conseillent de travailler sur un projet à la fois, mais il a su s’écouter. Plus que de cumuler les projets, il arrive parfois à les lier. Comme lorsqu’il décide de faire ses formations en talons hauts.
“J’adore danser en talon et j’ai eu peur d’être jugé en les portant dans un autre domaine. Finalement, je me suis dit que si je pouvais servir de déclic ou d’exemple à d’autres en faisant ce qui me plaît, sans m’enfermer dans un personnage, cela valait le coup.”
Mathilde, elle, est intervenante dans une école de journalisme et elle voit au quotidien comme il est nécessaire de diversifier les représentations afin d’autoriser chacunes à s’épanouir.
“Tout est politique et je souhaite montrer des femmes avec tous les physiques, de toutes les classes sociales, avec des parcours divers. […] lorsque je demande en début d’année à mes élèves de se présenter en quelques mots certaines se définissent comme ambitieuses et je trouve ça incroyable.”
L’ambition est plurielle
Pour Anthony l’ambition est autant un état qu’un processus. Il est important de désacraliser ce terme pour qu’il ne se réfère pas simplement au fait de vouloir atteindre des hauts postes ou monter son entreprise. “Il n’y a pas de petites ou grandes ambitions, être femme au foyer par exemple c’est une ambition. Il s’agit d’avoir un projet, un désir ou une envie”.
Mathilde souligne qu’aujourd’hui il y a une injonction à entreprendre pour être une femme accomplie. Pourtant, il est possible de s’épanouir et être ambitieuse et ambitieux dans beaucoup d’autres domaines de la vie privée ou professionnelle.
Une personne qui assume ses envies pourra rencontrer n’importe quel obstacle sur son chemin, elle aura une certaine résilience pour les surmonter. L’ambition n’a pas besoin d’être incroyablement grande, il faut surtout qu’elle ait du sens.
Ambitieuses et singulières
Cet échange nous a rappelé à quel point cela pouvait aider les autres de ne pas chercher à se formater. Il est tentant, et parfois même automatique, d’adopter les codes de son milieu professionnel. Pourtant, cela peut se révéler émancipateur de ne pas gommer ses particularités.
Plus le temps passe, plus nous avons la confirmation qu’il y a de multiples façons de réussir, adaptées à chaque profil.
Mathilde conclue parfaitement notre échange en rappelant :
“Pendant des années, les femmes ont été privées d’entreprendre, de s’exprimer, alors elles observaient. En observant nous avons vu ce qui ne fonctionne pas et nous avons sans doute des solutions à apporter.”
L’ambition des personnes qui ne rentrent pas dans le moule, se nourrit parfois de siècles d’observation. Dans ce cas, nous connaissons les puissants, bien plus qu’ils nous connaissent, et c’est sans doute là l’une de nos plus grandes forces.
Et vous, est-ce que vous vous définissez comme ambitieu.x.se ?
Racontez nous en commentaire.
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