J’ai rencontré Léa Bordier pour la première fois dans un joli café parisien. Pourtant, nous ne sommes pas des inconnues l’une pour l’autre. De mon côté, après avoir visionné toutes ses vidéos, son univers m’est déjà familier.
Elle aussi en sait déjà beaucoup sur moi, car elle a tourné l’une de ses vidéos « Cher Corps » dans mon appartement, en mon absence.
Résultat, le feeling est immédiat. Il faut dire que la jeune réalisatrice dégage une belle bienveillance. Une douceur qui lui permet d’ailleurs de récolter de nombreux témoignages face caméra. Ex cheffe du pôle vidéo du webmagazine Madmoizelle.com, Léa est aujourd’hui une réalisatrice indépendante.
Je lui propose d’inverser les rôles. Cette fois-ci c’est à Léa de se confier. Un exercice pas si facile pour cette jeune femme de 25 ans, habituée à être la confidente. Pourtant, son histoire est passionnante et sa capacité à aller au bout de ses envies très inspirante.
En ces temps tumultueux, ce portrait est une belle parenthèse.
Installez-vous confortablement et tenez-vous prêts à recharger vos batteries. Pour vous accompagner, son artiste de jazz préférée : Billie Holiday
https://www.youtube.com/watch?v=4P0hG3sD0-E&list=RDEMnKyt5DfL_OgLQKo3CMO3aw
Je ne commencerais pas par « Il était une fois » pour débuter, trop utopiste, mais plutôt : « Chère Léa »
SUR LES BANCS DE L’ECOLE
Lorsque l’on regarde les vidéos de Léa nous sommes automatiquement touchés par les propos, mais ce qui fait toute sa particularité, c’est le traitement accordé à l’image, au cadrage et au rythme de la vidéo.
Cette technicité, Léa l’a acquise au cours de son cursus scolaire. Ayant toujours voulu faire des films, c’est tout naturellement qu’elle s’est inscrite, suite au BAC, à un BTS audiovisuel en montage et post production. « Une formation, en deux ans, très technique qui m’a permis d’avoir des bases solides en montage. » me confie-t-elle. Pourtant, les conditions ne sont pas optimales. Les bancs de montages, des consoles volumineuses, lui semblent déjà obsolètes. « Pour mon examen de fin d’année je travaillais sur un banc de montage » se souvient Léa. « Alors qu’aujourd’hui ce matériel n’existe plus ».
Son diplôme en poche, Léa souhaite poursuivre par une licence professionnelle en conception et réalisation audiovisuelle. A Montpellier, les cours et le matériel sont beaucoup plus modernes. Elle choisit cette formation, car elle ne se voit pas « faire toute sa vie du montage dans une salle noire ». Léa veut se confronter au monde. Le capturer et le révéler au plus grand nombre.
C’est pourquoi elle décide d’étendre ses compétences. Durant cette année, elle fera du montage, mais aussi de la prise de son et de l’image. Sa spécialité est tout aussi importante. Ça sera « les nouveaux médias ».
Nous sommes en 2013. L’impact et l’intérêt pour internet n’est pas le même qu’aujourd’hui. Facebook et Twitter n’ont pas encore remplacé les médias traditionnels. Pourtant, Léa en est persuadée : elle travaillera plus tard sur le web.
Pour passer de l’apprentissage à la pratique, pendant tout son cursus Léa effectue des stages.
« J’ai fait deux stages en BTS. Un premier en montage chez Streetpress, un media urbain citoyen, et un second stage pour le groupe de musique Milk Coffee and Sugar, dans lequel officiait Gaël Faye. » m’explique Léa. Comme tous les étudiants, Léa ne trouve pas ces belles opportunités en un claquement de doigt. « J’aimais beaucoup ce groupe. J’ai contacté le réalisateur de leurs vidéos. Je me souviens lui avoir dit que j’aimais beaucoup ce qu’il faisait et que du coup, j’aimerais faire un stage à leurs côtés. Et ça a marché. J’ai travaillé avec les artistes et j’ai fait les montages de leur tournée. » raconte Léa.
A partir de ce moment la réalisatrice a su que ce sont les sujets culturels et particulièrement la musique qu’elle mettrait en valeur dans ses vidéos. Sans pour autant pouvoir définir un projet professionnel précis.
L’AVENTURE MADMOIZELLE.COM
Léa termine sa licence et doit trouver un stage. Parce que l’étudiante sait provoquer son destin, elle contacte alors Fabrice Florent, dit Fab, fondateur du webzine madmoiZelle.com.
A peine le mail envoyé, elle reçoit déjà une réponse. Léa se souvient, « J’étais un peu choquée, car c’était la galère. Je devais trouver un stage depuis deux mois et je ne trouvais rien qui m’intéressait. Mon objectif était d’évoluer dans une entreprise où je pourrais m’épanouir et avoir une liberté pour créer. Moi, Les plateaux télé et les boites de productions ne me faisaient pas rêver. »
Il faut dire que la demande de Léa tombe au bon moment. Nous sommes en 2013, madmoiZelle.com alors à Lille s’apprête à déménager à Paris. Le site est prêt à se développer et côté vidéo c’est Fab qui tient la caméra pour quelques street style, des sessions acoustiques et quelques interviews.
En avril, toute l’équipe se retrouve dans 30 mètres carré au cœur de la capitale. Très vite ils déménagent à nouveau, cette fois-ci pour un 200 mètre carré. Le site prend de l’essor et la demande est importante. Léa, enthousiaste, se rappelle de cette époque. « C’était trop cool, car j’avais un total champs libre. Le challenge était de faire une vidéo par jour. Sans aucune contrainte, tout était possible, il fallait être créative. »
Toutes les semaines, Léa produit alors un contenu par jour en variant les thématiques. « J’ai conçu des contenus de mode, de beauté, de cuisine, des reportages, des interviews. J’avais un rythme de malade. » souligne Léa.
Trois mois plus tard, elle signe son CDI. « Comme j’étais la première à ce poste j’ai pu faire ce que je voulais. Mais les demandes ne faisaient qu’augmenter. Deux vidéos par jour, c’était impossible à produire seule. Donc j’ai eu des stagiaires avec moi, puis une employée. » raconte Léa.
Des nouvelles séries, devenues de véritables rendez-vous, sont alors créées en collaboration avec d’autres membres de la rédaction.
Avec Amélie, qui écrivait des articles sur le tatouage, Léa crée les Street Tatoo.
Avec Margot les vidéos de cuisine Toque Chef
Mais l’une de ses plus grandes fiertés, est d’avoir fait naitre les Vlog Mad
Grâce à une ligne éditoriale sans cesse affinée et un travail acharné, Léa permet de faire grimper le compteur de la chaine madmoiZelle.com de 50 000 à plus de 330 000 abonnés.
Après trois ans et demi au poste de responsable du pôle vidéo du webmagazine, Léa devient freelance pour réaliser ses rêves.
VOLER DE SES PROPRES ELLES
Léa est très heureuse d’avoir travaillé pour le webzine, mais la liberté qu’elle avait acquis dans l’entreprise était au prix d’un travail important. Et si elle avait le choix du traitement des sujets, ceux-ci répondaient tout de même à une ligne éditoriale définie, celle du magazine.
Car madmoiZelle.com n’est pas n’importe quel site web. A l’origine un blog, très rapidement le média s’est développé en un support qui parle aux jeunes filles sans tabou. Comme une grande sœur madmoiZelle conseille, rassure, fait rire et inspire. Le site qui se défini comme « Magazine féminin mode mais pas que », n’hésite pas à clamer, en slogan « Je ne suis pas celle que vous croyez ». Une position qui a valu au magazine d’être qualifié de « féministe ».
Cependant, Léa le revendique : jamais un angle féministe lui a été imposé « Je ne faisais pas de vidéo société. Je n’avais pas cette pression. » souligne-t-elle.
« On me fait souvent la remarque « ça doit être horrible de travailler qu’avec des filles ». La réponse est non, pas du tout. Très vite vient alors la remarque « c’est quand même bizarre que ça soit un homme a la tête de ce média ».
Je dois bien avouer que je me suis également fait cette remarque (oups). Pour Léa, La réalité ne correspond pas du tout à l’image d’harem qui a pu être parfois véhiculée. « Vu de l’intérieur on oublie que c’est un homme. Lui-même se conjugue au féminin. » souligne-t-elle.
Si Léa n’était pas en charge d’une rubrique société, la place des femmes dans notre société l’a toujours questionné. Ces nouveaux projets, pour lesquels Léa a quitté son poste, se développeront alors autour de ces thématiques.
Léa avait depuis quelques temps sa propre chaîne YouTube, mais confidentielle, elle y publiait essentiellement des compilations de moments de vie à partager avec ses amis. C’est en créant sa série « Cher Corps » qu’un tournant est amorcé.
La réalisatrice, souhaite redonner la parole à toutes ces femmes qui parlent de leur corps en racontant leur histoire, sans aucune hyper sexualisation. Comme on a trop souvent l’habitude de le voir. Tout en poésie, en subtilité, Léa diffuse des messages forts.
En ayant fait le choix de diffuser ses vidéos sur le web, Léa se confronte à un autre phénomène. La place des femmes sur YouTube. Pour s’impliquer sur ce sujet elle rejoint le collectif Les Internettes. Collectif qui vise à promouvoir l’activité des femmes sur la plateforme vidéo. Il y a quelques semaines, fruit de leur collaboration, Léa diffuse au grand public le court métrage qu’elle produit et réalise « YouTube : Elles prennent la parole ». Le succès est immédiat.
En prenant son envol pour construire ses propres projets, Léa s’est également engagée pour « elles ». Toutes ces femmes dont elle fait résonner la parole par le biais de ses vidéos. Avec sa volonté, son enthousiasme et sa diplomatie, Léa Bordier, réalisatrice de 25 ans, nous donne une leçon de vie !
Merci.
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Très intéressant cet article, son parcours est vraiment inspirant ! Elle était là au bon moment et avec les bonnes compétences pour réussir, cette expérience à l’air de lui avoir beaucoup apporté 🙂
Et j’aime beaucoup ce magazine !
Claire
http://www.simplementclaire.fr
Merci Claire pour ton commentaire ? comme quoi tout est possible ! ?
Article hyper intéressant (comme toujours) !
Je ne connaissais pas du tout Léa Bordier mais je vais allez voir ce qu’elle fait sur Youtube.
Et puis, si elle écoute du Billie Holiday, ça ne peut-être qu’une personne de grande qualité 😉
Tu vas sûrement te régaler sur son YouTube ?
Haha merci ! J’espère que tu as aimé 🙂
Je connais bien ce webzine pour le lire régulièrement depuis plus de 10 maintenant. Je dois t’avouer que je ne connaissais pas cette chroniqueuse, alors ça m’a fait plaisir d’en savoir un peu plus sur son parcours si inspirant. Merci pour cette belle découverte!
Léa préférant être derrière la caméra que devant, son nom et en effet moins connu que certaines chroniqueuses, mais c’est à elle que l’on doit tous ces beaux contenus vidéos donc ravie de te la faire découvrir ?
Hello chère Lauriane,
Ce portrait est tellement inspirant, le parcours de cette jeune réalisatrice me laisse admirative. Sa carrière est ponctuée de références professionnelles excellentes alors qu’elle est encore tellement jeune ! Bravo. Personnellement, je suis très sensible à sa série « chers corps » je suis touchée par cette intimité douce et unique qui se dégage de chaque portrait. Grâce à ta merveilleuse interview je vais pouvoir en découvrir plus !!
Je suis ravie de t’avoir fait découvrir son univers ? en effet son travaille est aussi réconfortant qu’inspirant.
Rdv la semaine prochaine pour une nouvelle découverte !
Merci beaucoup pour ton commentaire Alicua ! Je suis vraiment ravie que ma série te plaise.
Et merci encore à Laurianne pour ce trop beau portrait 🙂
Pocrastination bonjour, je viens de passer d’une vidéo à l’autre jusqu’à atterrir sur celle de Cher corps et mais oui ! j’étais déjà allée voir son travail grâce à toi !
Beaux projets et belles images !
Wouah quel parcours incroyable c’est vraiment inspirant merci beaucoup pour cette belle interview qui donne de l’espoir !
J’ai découvert sa chaîne il y a peu dans un article qui listait ses coups de coeur du moment et je dois avouer qu’à la première vue d’une de ses vidéos j’ai été agréablement surprise par cet univers si bienveillant et inspirant à la fois. Voir des témoignages de femmes qui s’aiment et s’acceptent enfin tel qu’elle sont c’est quelque chose de précieux pour beaucoup d’entre nous, la genre féminine. On nous demande d’être tellement parfaite à tous les niveaux que l’on oublie de s’accepter et on ne s’autorise plus le moindre écart sans se blâmer intérieurement, ces témoignages redonnent espoir à beaucoup de femmes j’en suis sûre ! ?
J’ai adoré lire son parcours du coup qui me fait rêver je dois bien l’avouer moi qui éventuellement de faire une école de montage audiovisuelle et de réalisation ?? Quand je vois ce qu’elle a été capable de faire avec ce bagage ça me laisse rêveuse ! ?
Je suis ravie que son parcours t’ait autant inspiré ! C’est très important de se rendre compte que tout est possible que nos rêves sont à notre portée 🙂 J’espère que tu feras ton école de montage audiovisuelle et réalisation. Et qui sait, ça sera peut-être toi le prochain interview de réalisatrice que je ferais 😀
Wouha,
C’est fou, c’est bizarrement au moment où Léa a quitté Madz, je l’ai découvert grâce à ces vidéos avec la série « Cher Corps ». Quand j’ai découvert sa chaîne j’ai tout de suite adhéré ! Je constate également qu’elle a réussi à « forcer » le destin pour arriver là où elle est aujourd’hui et je trouve ça vraiment bien. C’est une fille vraiment inspirante. Tu as eu de la chance de la rencontrer 🙂
Bisous
Je suis bien d’accord avec toi ! C’est une très belle rencontre 🙂