Quand on veut, on peut… Vraiment ?

L’expression « Quand on veut, on peut » est bien connue.

Elle suggère que la volonté individuelle est la clé ultime de la réussite, que tout est possible si l’on désire suffisamment une chose et que l’on est prêt à travailler dur pour l’obtenir. Cette maxime est souvent utilisée pour motiver et inspirer, mais est-elle vraiment vraie ?

En tant qu’entrepreneurs, nous savons que la volonté est un facteur essentiel pour atteindre nos objectifs. Nous savons aussi que le travail acharné est nécessaire pour transformer une idée en réalité.

Cependant, il serait réducteur et trompeur de croire que la volonté et le travail acharné sont les seuls facteurs de réussite. La réalité est plus complexe et cette simplification peut avoir des conséquences délétères, notamment en creusant les inégalités.

Le Talent est une Fiction : Déconstruction d’un Mythe

Dans son livre « Le Talent est une Fiction », Samah Karaki déconstruit l’idée que le talent serait une capacité innée qui expliquerait pourquoi certains réussissent et d’autres échouent.

Elle démontre que ce que nous appelons « talent » est le produit d’un ensemble d’événements et de facteurs qui se conjuguent dans un sens favorable à son émergence : prédisposition génétique, environnement social et familial, relations, interactions avec les autres, volonté, travail et hasard.

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Cette idée de talent inné est une fiction, une simplification qui ignore la complexité des processus d’apprentissage et de développement des compétences.

Karaki rappelle que le cerveau est un organe plastique, capable de se transformer et de s’adapter tout au long de la vie, et que ce sont les expériences, les interactions et les apprentissages qui façonnent nos compétences, pas une prédétermination génétique.

Le Biais du Survivant

Si l’expression « Quand on veut, on peut » est si répandue, c’est en partie à cause d’un phénomène psychologique appelé « biais du survivant ».

Ce biais consiste à se concentrer sur les entités qui ont réussi un processus de sélection, en négligeant celles qui ont échoué.

Par exemple, nous avons tendance à nous focaliser sur les entrepreneurs qui ont réussi, en oubliant tous ceux qui ont échoué, ce qui peut nous amener à croire que la réussite est uniquement le fruit de la volonté et du travail acharné.

L’Inégalité des Chances

En réalité, de nombreux facteurs extérieurs à l’individu influencent la réussite, et l’un des plus importants est l’environnement social et éducatif. Les inégalités sociales et éducatives ont un impact majeur sur les chances de réussite.

Par exemple, le niveau de vie en sortie d’étude est fortement corrélé avec la profession des parents. Parmi ceux qui touchent moins de 1 000 euros, 27% sont des enfants d’ouvriers non qualifiés (alors qu’ils représentent 16% de la population totale).

À titre de comparaison, les enfants de cadres supérieurs représentent 47% de ceux qui touchent plus de 5 500 euros par mois, alors qu’ils ne constituent que 13% de l’ensemble de la population.

En outre, le système scolaire, censé favoriser l’égalité des chances, échoue souvent à gommer ces inégalités. Par conséquent, dire aux jeunes « quand on veut on peut », c’est omettre que le contexte sociétal et économique joue un rôle crucial dans la réussite ou l’échec d’un individu.

Alors, « Quand on veut, on peut » ? Cette expression, bien qu’inspirante, est une simplification qui ignore la complexité de la réalité. La réussite est influencée par une multitude de facteurs, dont la volonté individuelle n’est qu’un élément parmi d’autres.

Ignorer ces facteurs peut non seulement mener à des attentes irréalistes et à de la frustration, mais aussi renforcer les inégalités sociales et économiques.

En tant qu’entrepreneurs, nous devons donc être conscients de ces réalités et travailler pour créer un environnement plus équitable, où le succès n’est pas uniquement déterminé par la volonté individuelle, mais par une combinaison de facteurs, y compris le soutien social, l’éducation et les opportunités.

J’espère que cet article vous a fourni une perspective plus nuancée sur la réussite et l’importance de prendre en compte l’ensemble des facteurs qui y contribuent.

N’hésitez pas à partager cet article avec d’autres entrepreneurs pour élargir la discussion sur ce sujet crucial.

Et souvenez-vous : il n’y a pas de honte à échouer. L’échec fait partie du processus d’apprentissage et de croissance, et il ne définit pas votre valeur en tant qu’individu ou entrepreneur.

Sources : France Culture, France Inter, Sois jeune et tais-toi (Salomé Saqué), Marianne, note d’analyse France Stratégie, Nés sous la même étoile ? « Origine sociale et niveau de vie », juillet 2018.

Le talent est une fiction de Samah Karaki, édition Lattes, janvier 2023