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Published on: INTERVIEW TALENTY

Laura Brown, fondatrice d’Ethipop [Interview]

Lorsque je rencontre Laura Brown, la fondatrice d’Ethipop, il fait encore assez bon pour se retrouver sur une terrasse – chauffée – d’un café du 11eme arrondissement de Paris.

L’entrepreneure est accompagnée d’Orane, son assistante – une boule d’énergie prête à croquer la vie à pleine dents et avec une grande soif d’apprendre. Cette présence n’est pas anodine. Elle reflète la volonté de Laura de transmettre, de partager et de grandir avec des personnes chères à son cœur, à ses côtés.

Le cadre est posé. Il est maintenant temps de revenir sur un parcours extraordinaire qui nous rappelle que tout est possible et que notre petite voix est souvent de bons conseils.

De plus, grâce à Laura nous pouvons enfin répondre à cette question « Peut-on consommer sans être soumis aux dérives de l’industrie de la mode ? ».


Écoles, Études, Boulots


Laura Brown, diplômée d’un bac +5, en commerce international et communication, arrive à Paris, il a neuf ans, pour son premier poste dans une startup. Durant deux années, elle applique ce qu’elle a appris, mais n’est pas épanouie. Laura a une fibre artistique. Celle qui s’enflamme pour un beau savoir-faire et une idée créative, mais elle ne se sent pas artiste. La mode, voilà ce qu’elle aime.

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Il faut dire qu’elle a grandi aux côtés de parents commerçants. Laura tente sa chance. Pour changer d’univers elle consulte les offres d’emplois, mais se voit confrontée à un obstacle de taille « Je me suis rendu compte que mon profil intéresse, mais que, pour finaliser les choses, il me fallait le saint graal : un diplôme d’une école de mode. ».

Laura ne se démoralise pas et décide alors de fouler, à nouveau, les portes d’une école.

Seul problème, en recherchant un établissement, elle se rend compte que beaucoup de formations, tournent leur enseignement principalement autour du stylisme. Or, ce n’est pas sa vocation. C’est à ce moment qu’elle découvre l’Institut Français de la Mode. Elle envoie un dossier de candidature et passe l’épreuve orale. En 2011, la voici, de nouveau, étudiante.

« C’est ici que débute mon histoire dans la mode et le design » souligne Laura « Une année extraordinaire, ponctuée de rencontres fantastiques, durant laquelle j’ai beaucoup appris. ».


Un saut dans le grand bain : Les Grands Magasins


Durant cette année à l’Institut Français de la Mode Laura fait de superbes rencontres : des ténors des réseaux de ventes et de grosses marques, mais surtout Paolo De Cesare, alors Président de Printemps. « A ce moment je me suis vraiment sentie au cœur de ce que j’aime. » se rappelle Laura.

La jeune femme a toujours été passionnée des Grands Magasins. Depuis son enfance, dans la boutique de vêtements de sport de son père, elle s’imaginait évoluer dans l’univers du retail.

Laura évoque le fait d’avoir du mal, à l’époque, à formuler son envie. Mais elle avait déjà défini les grandes lignes de son prochain métier « Je savais qu’il fallait que ça mêle l’évènementiel et la vente » m’explique-t-elle. « Je voulais me rapprocher de la création, mais je ne suis pas créatrice. » souligne-t-elle. De ce fait, Laura s’applique à exercer son œil pour faire la meilleure des curations. Car son objectif est de pouvoir aider cette scène créative.

Pour elle, il n’y a qu’un seul endroit où elle pourrait y parvenir : « J’étais persuadée que c’était dans les Grands Magasins que je pourrais évoluer, car ces lieux accompagnent les marques dans leur développement. ».

En 2012, Laura est diplômée et entre par la grande porte au Printemps Haussmann. En charge des marques du 3eme étage de la mode femme, elle touche, du bout des doigts, son rêve.

« C’était un rêve d’enfant, parce que dans les Grands Magasins il y a plein d’histoires qui se créent, plusieurs univers, plusieurs façons de faire. » m’explique Laura.

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Durant deux années, Laura donnera son maximum et s’enthousiasmera d’apprendre dans cette grande structure. Elle revient d’ailleurs pour nous, sur ces deux belles années :

« J’ai tout de suite eu beaucoup d’autonomie pour m’occuper de la mode femme. J’étais manager des ventes. J’accompagnais les marques dans leur développement. Il y avait le chiffre d’affaires, mais aussi des plans d’action à mettre en place. Je travaillais étroitement avec les directeurs de marque et les responsables des réseaux boutiques. Il y avait aussi toute la dynamique de service à créer ». La polyvalence du poste rythme le quotidien de Laura qui ne manque pas de projets. « J’ai été missionnée pour les animations commerciales : les soldes, les 8 jours en or et les ventes privées. Mon but était de faire rêver la cliente.».

Des challenges quotidiens et une charge de travail qui ne donnent pas le temps à Laura de vraiment se questionner.

Pourtant, un matin de 2014, le constat est amer. « J’adore mon job, j’adore mes équipes, mais je me réveille un matin et me dis, j’adore ce que je fais, mais je ne sais pas pourquoi je le fais ». Le début d’une remise en question.


Free Spirit


« Pour ma génération, l’émancipation passe par l’école. On n’avait pas le choix. Tu fais ton DUT Info. Com. Tu fais ta licence, tu pars en d’Erasmus, puis tu fais ton master. » souligne Laura. C’est en effet, le schéma qu’elle a suivi.

Mais l’heure du bilan semble avoir sonnée.

Le constat est évident et l’acte courageux :

« Je me suis dit, au départ, que j’étais simplement fatiguée. Je ne m’étais pas rendu compte que je n’avais pas pris de vacances pendant un an et demi. Je prends quelques jours. Et je me rends compte, autour de moi, que des amis montent leur boîte. Mais je me dis aussi que je suis contente de ce que je fais et, qu’en plus, j’ai de gros projets qui m’attendent… ».

Laura retourne au travail, mais le destin se charge de la rappeler à l’ordre. A la suite à une déception professionnelle, elle s’écoute et pose ses congés.

Direction la Californie pour trois semaines. A Los Angeles et San Francisco, elle décompresse et se laisse le temps de ne rien faire. « Je me suis rendu compte que je n’avais pas pris de recul sur ma vie, depuis 10 ans. » confie-t-elle.

En rentrant, sans hésitation, elle dépose sa démission.

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Une question d’éthique


Lorsque Laura travaillait dans les Grands Magasins elle sentait déjà qu’il y avait un problème avec les marques pour lesquelles elle travaillait, mais n’a pas toujours su l’identifier. Elle m’explique, « Je n’ai pas vu, tout de suite, la situation des fabricants, les conditions de travail pour produire, mais plutôt la situation en magasin. Des équipes de vente très sensibles, pas loin de subir de la maltraitance psychologique. ». La prise de recul, pour Laura, a été très violente. « Cette prise de conscience m’a permis de réaliser qu’il y a d’autres marques qui font les choses bien. Et j’ai eu envie de travailler pour ces marques-là. ».

Pendant un an, Laura décide alors de travailler en freelance. « L’objectif était de faire quelque chose par moi et pour moi. », confie-t-elle.

Pendant cette période, l’entrepreneure enrichit son carnet d’adresses. Elle fait alors beaucoup de salons, et à l’agréable surprise de découvrir beaucoup de griffes qui font des choses extraordinaires. Elle se rend alors compte qu’elle peut leur apporter, à son tour quelque chose, riche de son expérience. Pour leur permettre de gagner en visibilité, Laura n’hésite pas à leur ouvrir son réseau. Grâce à ses compétences 360° : communication, marketing et commerce, elle répond à une multitude de besoins de ces jeunes marques qui, manquent entre autres, de visibilité.

Forte de ce constat, elle crée Ethipop. Plus qu’une marque, il s’agit, avant tout, d’une communauté de créateurs, éthiques et responsables. Très vite son projet prend de l’ampleur.

« J’ai débuté avec une première vente Ethipop, pour 30 personnes bénies découvrir des créateurs à la production éthique. Le deuxième événement, en octobre 2015, m’a permis de faire découvrir une dizaine de créateurs à 300 personnes. C’est à ce moment que j’ai compris que ma démarche pouvait intéresser un large public. Ont suivi, trois weekends de vente en décembre 2015, qui ont accueilli chacun 1500 à 2000 personnes. ».

En mettant en relation les personnes et en prodiguant ses conseils, Laura se rend compte que sa démarche s’apparente à un incubateur. « Je prends toujours le temps d’apporter mes services et un accompagnement personnalisé aux marques écoresponsables. Car c’est particulièrement difficile de rendre visible ces produits et de démontrer au public que l’on peut allier esthétique et éthique. », souligne la chef d’entreprise.

En une année, Ethipop, collectif de créateurs responsables, collabore avec plus de 100 créateurs.

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L’ambition est, aujourd’hui, d’ouvrir un accélérateur pour solidifier la plateforme. « L’idée serait d’avoir un lieu, centre de compétitivité et de synergies, permettant aux créateurs de se développer avec une phase définie d’accompagnement et de formation, puis un cycle de mise en réseaux. » m’explique Laura. Nul doute que l’on n’a pas fini d’entendre parler d’Ethipop. D’autant que, plus que jamais, de plus en plus de monde cherche à consommer de façon plus responsable.


Ethipop, un collectif de créateurs responsables


Comprendre le choix des créateurs, c’est comprendre le logo Ethipop.

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Directement inspirée de l’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci, l’identité visuelle nous démontre que l’Homme est au centre de tout le processus. Si le personnage du Maitre italien symbolise les proportions idéales du corps humain, Ethipop tant à une triangulaire parfaite qui lierait l’Homme, l’environnement et la société.

A première vue, il semble pourtant difficile pour une jeune marque de textiles d’être performante sur ces trois piliers. Mais Laura souligne que si l’un des fondamentaux du triptyque est respecté, dès le début, les autres, en découleront avec le temps. C’est d’ailleurs le cas de grandes marques comme Stella McCartney qui axe sa production sur le vegan, Veja sur l’aspect social et solidaire et tend à contrôler son budget publicitaire, ou encore Carry Somers, fondatrice du mouvement « Fashion revolution » à Londres, et de la marque Pachacuti à la tête d’une mode équitable.

Pour trouver ses propres pépites, Laura scrute le web, les blogs et fait confiance au bouche à oreilles.

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Il faut dire qu’ayant débuté son activité à l’atelier Meraki, un lieu d’innovation collaborative, au cœur du 11eme arrondissement de Paris, l’entrepreneure a appris à être plus attentive à ce que nous offre la toile. « Cette expérience m’a aidée à comprendre les nouveaux business model, dont les campagnes de crowfunding, par exemple. C’est très différent de ce que l’on voyait dans les Grands Magasins » confie Laura.

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L’entrepreneuse regrette d’ailleurs le grand écart, encore présent, entre les importants distributeurs et la commercialisation de marques éthiques. Dans les deux cas, l’objectif est toujours la valorisation du savoir-faire. En ce sens, la démarche d’Ethipop ne se dissocie pas du système.

Bien au contraire, Laura affirme son ambition, « On souhaite que la niche devienne la norme ».

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  1. Post comment

    Mathilde's Closet says:

    Merci pour cet article vraiment très intéressant. Je suis allée faire un tour sur le site, il propose vraiment des choses bien. Malheureusement le problème est que c’est trop cher et que je ne pense pas que ce soit possible aujourd’hui de dire aux gens « consommer moins mais mieux ». Les gens veulent bien consommer mieux et dans le respect de l’environnement et du droit du travail, mais sont ils prêt à mettre le prix, non…
    Ca demande vraiment un travail sur soi. J’essaie de faire ce travail et ce n’est pas évident !

    Bonne soirée 🙂

    Mathilde

    1. Bonjour Mathilde Merci pour ton commentaire et bon courage pour cette nouvelle façon de consommer que tu entreprends. Tu as raison c’est compliqué de consommer moins… moi je pense que la première étape peut être du DIY, de la customisation de pièces histoire de toujours avoir des nouveautés. Et puis pendant ce temps on peut économiser pour s’offrir une belle piece parmi les créateurs d’Ethipop par exemple ?

    2. Bonjour Mathilde. Cela a commencé doucement mais surement. Pour bien connaître la question du prix, sachez qu’elle va avec la notion du durée de vie du vêtement mais surtout, je peux vous dire que les marques et la proposition de prix faite par celles-ci n’est pas toujours plus cher que les marques que nous connaissons sur le même créneau, hors mode éthique comme Sandro, Maje, Claudie Pierlot, BaSh etc… . Les prix de ces marques vont entre 100 (petite maroquinerie) et 1500 (grosse pièce hivernale). Les créateurs que nous valorisons ont juste moins de notoriété.

      Parce que les créateurs vendent lors de nos évènements, nous pouvons vraiment vous dire que les mentalités sont prêtes et sinon, notre rôle est de les sensibiliser. A bientôt.

  2. C’est très inspirant, ce parcours. J’aime cette façon dont beaucoup d’histoire de ce type s’écrivent avec un « un jour je me suis réveillée et je me suis dit qu’il manquait quelque chose » ou bien que « la vie, ce n’est pas ça » – ces déclics. Cet article et ce portrait m’ont d’autant plus interpellée que je suis en pleine découverte de plein d’entrepreneurs du changement, entrepreneurs sociaux, etc. avec le programme de « Ticket for Change », que je suis pour le montage de Tribu Etik… et c’est dingue comme cela se rejoint, à chaque fois ! C’est réconfortant aussi au milieu d’une certaine morosité un peu défaitiste de voir surgir tous ces entrepreneurs enthousiastes qui parviennent à mener leur projet à bien (et souvent même avec une surprenante réussite).

    1. Merci beaucoup pour ton beau commentaire. ? En effet découvrir les histoires de personnes qui osent donner vie à leurs envies est très stimulant. C’est la vocation de ce rendez-vous que je vous propose chaque vendredi ?? ps : Ticket for Change est une incroyable aventure

  3. J’adore ton article tout d’abord pour le parcours de cette femme, j’adore sa démarche et comme j’ai décidé de consommer éthique et responsable je ne peux qu’applaudir la démarche

    1. Merci beaucoup pour ton message en effet son parcours est très inspirant. Bravo pour cette nouvelle façon de consommer ?

  4. Très inspirant ce parcours de vie et quel beau portrait que tu as écris :). J’aime beaucoup son concept et j’adorais m’habiller avec des vêtements éthiques, mais bon pour le moment c’est un peu au dessus de mes moyens haha

    1. Bonjour Clémentine Merci pour ton commentaire ? Je comprends que ça soit au dessus de tes moyens pour le moment mais c’est toujours bien de se rappeler que l’on peut faire les choses autrement. Et puis si à chaque fois que l’on veut craquer pour une petite pièce de grande distribution on met la somme dans la tirelire il y a des chances que l’on puisse assez rapidement s’acheter une belle pièce éthique ?

  5. Voilà un article qui m’a bien donné le sourire !
    Aux mots d’Howard Zinn j’ai compris que le chemin allait être sacrément transformé et quelle réussite !
    Clap clap ! <3

  6. Merci à Lauriane pour ce bel article et merci à toutes pour vos commentaires. Cela nous donne la force de continuer.
    Belle semaine et à bientôt.