Chez Talenty, nous sommes très fans des citations et des mantras. Nous faisons aussi régulièrement des portraits de professionnels dont le parcours nous inspire.
En effet, cela nous motive et nous savons que nous ne sommes pas les seul.e.s à y être sensibles. Pourtant, il y a un revers à ses grandes phrases inspirantes et à la façon dont sont valorisées certaines personnalités.
Sorties de leur contexte et présentées comme des vérités générales, certaines de ces citations peuvent être contre productives et nous faire culpabiliser. Sur les réseaux sociaux, des personnes quasiment invisibles dans les médias traditionnels sont aujourd’hui mises en avant. C’est une très bonne chose. Toutefois, avec ces nouvelles représentations, cette diversité des corps et des discours émergent aussi de nouvelles normes. Dans cet article, nous allons questionner ces tendances qui, sous couvert de motivation, peuvent parfois se révéler plus culpabilisantes qu’inspirantes.
« Quand on veut on peut »
Les mantras et les citations sont souvent utilisés pour inspirer, redonner confiance et encourager le lecteur à se dépasser. Cette tendance au développement personnel a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années. Le « self love » est sur toutes les lèvres car, comme nous le pensons également, il est très difficile d’avancer sans croire en soi.
La confiance en soi dépend de notre caractère, de notre histoire familiale, mais aussi de notre condition sociale. Si cela ne fait pas tout, le fait d’être une personne minorisée, avec peu de représentation positive dans les médias et peu de roles models a son importance. Il est vrai qu’il existe toujours des contre-exemples. On peut être bien né, ne subir aucune discrimination particulière et finalement souffrir d’un grand manque d’estime de soi. À l’inverse, les personnes minorisées par leur genre, couleur de peau, leur handicap ou d’autres facteurs, peuvent pour certaines, en tirer une « rage de vaincre » et se sentir tout à fait confiantes.
Néanmoins, il est dangereux de faire des exceptions une généralité. Dans un article de Médiapart, Faïza Zerouala, journaliste diplômée de l’Institut pratique du journalisme, exprime très clairement cette problématique :
« Raconter son parcours, soit, mais autant ne pas piétiner la sociologie au passage. Se livrer dans ces récits de vie sans rappeler le poids des déterminismes sociaux, politiser la question et interroger l’incapacité de notre système scolaire à être autre chose qu’une machine à reproduire les inégalités cela ne sert pas à grand-chose.
À part recueillir des compliments de type « Bravo pour ton parcours », parfaits pansements pour l’égo, et devenir un alibi du type « Regarde si elle a réussi tout le monde peut le faire » à quoi bon ? Dire « J’ai grandi élevé par les loups, puis j’ai appris à lire tout seul et aujourd’hui je suis avocat et je travaille aussi à la Nasa » n’est pas toujours utile sauf à combler des failles narcissiques. »
Le danger est effectivement d’évincer le poids des inégalités sociales et de faire de la réussite une quête qui ne tient qu’au niveau de motivation de chacun et chacune.
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Cette question, loin d’être manichéenne, est cruciale. Car pour que le système change, il est nécessaire de valoriser d’autres modèles de réussite. Ce que fait par exemple Pénélope Bagieu dans Les Culottées, romans graphiques qui dressent le portrait de femmes combattantes et hors normes . De la même façon, les portraits d’entrepreneur.e.s et des personnes qui n’étaient pas prédestinées à réussir, nous motivent beaucoup chez Talenty. La diversité des représentations compte et à un réel impact. Nous pensons sincèrement que l’inspiration nous permet de croire en nous et de nous dépasser.
L’important est de ne pas simplifier la réussite. Effectivement, si vous ne vous arrêtez pas d’essayer vous allez forcément progresser. Cependant, nous ne partons pas tous du même point. Sans oublier que la réussite est relative. L’omettre, c’est prendre le risque de culpabiliser les personnes qui ont, concrètement, moins les moyens d’atteindre certains objectifs. C’est nier le système de dominations dans lequel nous évoluons.
Il est possible d’être une personne inspirante, tout en reconnaissant les privilèges dont on a bénéficié. C’est aussi possible de donner de l’espoir à des personnes qui ne se sentent pas capable d’atteindre leurs ambitions, sans nier leur réalité. L’actrice Viola Devis en est un bon exemple.
Le plus sain reste donc de s’inspirer des parcours de celles et ceux que l’on admire ou se répéter des phrases qui nous font du bien, sans les considérer comme une vérité absolue.
« Plus belle au naturel »
Si les magazines « féminins » ont encore de l’impact, instagram est aujourd’hui l’un des médias les plus puissants en tant que vecteur d’injonctions sur nos physiques et nos styles de vie. Dans le même temps, ces dix dernières années, le réseau social a contribué à diversifier les modèles de beauté. Instagram a aussi permis à des personnes jusqu’alors peu écoutées de s’exprimer sur leurs différences. Le mouvement body positif en est un bon exemple.
Mettre à l’honneur des corps qui sortent de la norme diffusée par les magazines ou le cinéma est une bonne chose. Pourtant, force est de constater que même au sein de ces mouvements, la beauté est normée. La plupart des femmes considérées comme grosses et qui se mettent en avant ont un corps en sablier, proche du corps considéré comme idéal par exemple. Dans l’univers du sport et des fit girls, les hastags du type « no pain, no gain » sont très populaires. Le message est toujours le même : seule la volonté compte pour obtenir un corps mince et tonique.
En ce qui concerne le maquillage, après n’avoir juré que par le contouring, les influenceuses optent aujourd’hui pour le « glow ». Il s’agit d’avoir un teint frais, rayonnant et naturel. Dans l’épisode de Miroir Miroir « Le maquillage, une affaire de classe », Jennifer Padjemi et son invitée Zineb Dryef raconte en quoi cette nouvelle tendance culpabilise et exclue certaines personnes.
Ce phénomène existe aussi concernant les cheveux. Le « mouvement » nappy (natural and happy) s’est propagé sur internet et les réseaux sociaux au début des années 2010. Le fait de valoriser les cheveux frisés et crépus a été une étape très importante dans la vie de beaucoup de femmes noires. En effet, avant cela, elles avaient très peu ou pas de représentation positive de leurs cheveux naturels.
Cependant, encore une fois, les cheveux les plus valorisés se révèlent être les moins accessibles. C’est-à-dire, les plus longs et les moins crépus possibles. Pour accéder à cette chevelure parfaitement frisée, il faudrait investir beaucoup de temps et d’argent dans la fabrication de produits naturels. Cela, sans avoir la certitude d’obtenir ce résultat qui reste plus courant pour les cheveux métissés.
Heureusement certain.e.s créatrices, artistes et influenceuses travaillent pour supprimer ce type de pression en montrant une réelle diversité des corps et de la beauté. D’autres s’expriment sur leur santé mentale vacillante malgré le fait qu’elles accomplissent de grandes choses dans leur domaine.
En effet, les messages sont de plus en plus nuancés. Oui, c’est important de s’accepter, mais ce n’est pas une obligation de s’adorer.
Ta productivité ne définit pas ta valeur.
Dans le monde du travail, mais d’autant plus dans les start-ups et pour les entrepreneur.e.s, ne pas compter ses heures est très valorisé. Les entrepreneurs ou artistes que l’on prend régulièrement en exemple sont souvent considérés comme des génies créatifs et mysanthropes qui ne faisaient rien d’autre que de travailler.
Lorsque l’on crée son entreprise, d’après observation, il semble presque indispensable de passer par des mois de sacrifices en sommeil et sociabilité. Effectivement, c’est parfois une nécessité. Toutefois, il est intéressant d’observer comment cette surproductivité est louée, parfois au détriment de la santé.
Marina Rollman en a d’ailleurs fait une chronique très juste et drôle dans la matinale de France Inter.
Être toujours plus performant.e a un prix, même lorsqu’on aime son travail. Yoga, méditation, Pilate, entre midi et deux, lorsqu’on ne travaille pas, il faudrait se détendre activement. Pourtant dans tout processus de création les temps de pause sont nécessaires. Sans cela les idées ont du mal à se développer et à évoluer. Aussi, il faut simplement s’écouter lorsqu’on est trop fatigué.e.
C’est bien beau de critiquer, mais qu’est-ce qu’on fait ?
Avec toute cette pression, ce que nous vous proposons, c’est de faire comme vous le pouvez. De faire de votre mieux. C’est sur ce chemin que nous souhaitons vous accompagner sans omettre vos spécificités, vos priorités et la réalité de vos difficultés. Alors oui nous continuerons de partager des citations dans l’espoir qu’elles vous motivent pour la journée et qu’elles vous donnent le sourire. Nous continuerons également de vous raconter le parcours de personnes qui nous inspirent et qui sortent des sentiers battus.
Cependant, nous ne croyons pas aux formules magiques, applicables à toutes et tous pour accéder au saint-graal de la réussite. Chez Talenty nous souhaitons vous inspirer mais jamais vous culpabiliser. Prenez soin de vous (si vous le voulez).
Ressentez vous le poids de ces nouvelles injonctions ? Nous attendons avec impatience de lire vos avis !
Oh, cet article tombe à pic. J’en parle beaucoup avec une copine blogueuse en ce moment, et comme tu dis, c’est à double tranchant : les citations sont certes très motivantes et inspirantes, pour peu qu’on puisse s’y identifier et qu’on ait les capacités à mettre en place ces conseils. Mais lorsque la vie nous tourne le dos, quand on a un coup de mou, de blues, quand il y a des épreuves difficiles, et bien c’est difficile de garder la tête haute et le sourire 24H/24. Je lis de moins en moins ces inspirations et je fuis les comptes Instagram qui ne jurent que par ça, car ça me met extrêmement mal à l’aise.
Pour ma part, je suis dépressive depuis une bonne quinzaine d’années, il y a des jours où juste sortir de mon lit le matin est un exploit. Et quand je vois tout ce que d’autres ont accompli autour de moi quand je suis encore au ralenti, ben je me sens coupable. Car l’on vit dans une société où on étale davantage notre succès que l’on partage nos émotions et notre fierté d’accomplissement. C’est à celui ou celle qui se mettra le plus en avant et qui se fera le mieux voir, et ça me met vraiment mal. Je préfère amplement quelqu’un qui est sincèrement heureux de ce qu’il fait, à son échelle, sans chercher à en faire des tonnes, qu’une personne qui passera son temps à brandir son succès sous mon nez en mode course aux like.
Instagram est bien malsain pour ça, c’est pour cela que je fais très attention aux comptes que je suis désormais. J’ai une copine influenceuse bien être, parfois ses citations me parlent, parfois non. L’avantage c’est qu’elle ne les impose pas, elle les met en légende et non pas en photo post, je peux donc choisir de ne pas les lire si je veux et ne lire que sa partie plus chill et détente de la légende 🙂 Il faut savoir se faire du bien mais accepter de ne pas être « comme tout le monde », car après tout la diversité fait la force des gens, ainsi que l’unicité 🙂
Voilà, j’ai beaucoup aimé lire ton article, j’aurais pu dire encore plus de choses mais mon commentaire est déjà très long ahah. Pour moi, ces citations motivantes ont un aspect positif (challenges, aller au-delà de soi, ne pas être passif) mais il est extrêmement important de savoir aussi s’en détacher et de prendre le recul nécessaire. 🙂
Des bisous !
Rin
Bonjour Rin,
Merci beaucoup pour ce long commentaire et ces pistes de réflexions ! Tu as raison, c’est important de se préserver en ne suivant que les comptes qui nous font réellement du bien. Ce n’est étrangement pas évident. Nous sommes tous et toutes tenté.e.s de « stalker » des personnes qui semblent avoir trouvé la formule magique du bonheur, mais il faut se souvenir qu’instagram n’est qu’une vitrine. En soit, lorsqu’on souffre de dépression, se lever le matin, se doucher, se faire à manger peut parfois relever de l’exploit et cela à de quoi être célébré.
Continue de prendre soin de toi, tu es balèze,
Des bisous
Oh comme cet article fait du bien, et oh comme je suis d’accord ! Les mantras ne peuvent pas s’adapter à tous, et il faut avoir du recul par rapport à eux il me semble. J’en parlais l’autre jour avec une amie : ce qui marche pour une personne ne marche pas pour l’autre : elle a tendance à se motiver si on lui dit qu’elle a fait un boulot nul et n’aime pas trop de compliments, tandis que je marche au contraire avec aux encouragements et peut vite me démotiver avec de trop nombreuses critiques. Je crois que l’on devrait être capable d’adapter les discours inspirants à chaque type de personne. Avec les années, j’ai de plus en plus de mal avec la violence du jugement, et essaie de plus en plus de me tenir à l’écart de ce qui me heurte. Oui à ce qui nous fait du bien !
Bonjour Valentine,
Tu as parfaitement résumé notre pensé. Il faut s’écouter avant tout, sans essayer à tout prix de plaquer des concepts et des formules qui fonctionnent sur les autres. 🙂
Merci, merci et encore merci de relayer ce type de message. J’en parlais encore à une de mes clientes/coachées ce matin : ne pas confondre développement personnel et injonction du bonheur. En particulier le quand on veut on peut compte parmi ceux que abhorre le plus et fais l’objet d’une grande section dans le manuscrit de développement personnel que je viens de finir de rédiger.
J’ai choisi le métier de coach pour accompagner les personnes dans leur accomplissement et dans leur mieux-être, mais aussi pour apprendre à vivre avec leurs failles et leurs défauts, même quand elles ne correspondent pas à la norme du hors norme. J’ai toutefois bon espoir dans cette démarche bienveillante, car je lis beaucoup de messages en ce sens et les extraits dans cet article en sont la preuve. Biais de confirmation de ma part ? Peut-être, mais je suis une grande idéaliste 🙂
« Ne pas confondre développement personnel et injonction du bonheur. » C’est exactement ça ! Nous serions curieuses de lire ton manuscrit 🙂
Merci pour ton article, qui est très intéressant et très bien écrit ! Il amène à pousser à la réflexion et au questionnement.
Merci beaucoup pour ton commentaire Lydie ! 🙂