Les campagnes de communication virales ne sont pas toujours imaginées et créées par de grosses agences de communication, à la suite de grandes réunions et de nombreuses validations. Pink Jobs d’Equally Work en est la preuve. Morgane Dion, CEO de la start-up, nous raconte les coulisses de ce coup de génie et de ce buzz surprise.
Equally work est une start-up qui lutte contre les inégalités dans le salariat. En effet, sur leur site, nous pouvons lire que 25% des personnes actives ont été discriminées sur les 5 dernières années. 150 Milliard d’euros c’est le manque à gagner dû aux discriminations dans l’emploi en France. Pourtant, les entreprises avec de la diversité culturelle sont à 35% plus compétitives que les autres.
La fondatrice de la start-up, Morgane Dion, explique : « Equally Work est la première plateforme digitale de notation des entreprises par les collaborateur.trice.s sous le prisme de l’égalité et diversité sur leur lieu de travail. Discrimination à l’embauche, égalité salariale et de traitement, propos ou situations sexistes et racistes, plafond de verre, ou encore aménagement des conditions de travail sont autant d’aspects sur lesquels s’exprimer et s’informer. »
En France, l’écart entre les salaires des hommes et des femmes est tel que, depuis le 5 novembre (à 16h47) et jusqu’à la fin de l’année, les femmes travailleront « gratuitement ». C’est dans ce cadre qu’Equally Work a lancé le (faux) site Pinkjobs.fr dont le slogan provocateur est « Recrutez une femme et faites des économies ».
Le site propose différents profils de femmes, avec un taux d’économie de salaire qui varie selon le nombre d’oppressions qu’elles cumulent.
Chaque profil est accompagné d’un petit bonus à l’intention des recruteurs tels que : « Remarques déplacées sur sa coiffure possibles » « Si elle tombe enceinte : direction le placard ».
Nous avons donc interrogé Morgane sur la création de cette campagne réussie.
Comment l’idée de la campagne Pink Jobs vous ai venu à l’esprit ?
Nous voulions faire quelque chose pour le 5 Novembre, mais nous ne savions pas quoi. L’idée a « popé » en un week-end. Cela a été très vite, en deux heures on a fait le faux site. Le budget a été minime : 15€ pour l’hébergement et 90 centimes pour le nom de domaine. On a eu la chance de faire un partenariat avec Maddyness car je connais la responsable donc ça m’a pris un coup de fil.
Pourquoi avez-vous choisi ce format ?
Nous avons décidé de faire ce format parce que de manière générale, il y a déjà beaucoup de lois en France sensées réduire les inégalités et les discriminations. Ces lois sont punitives, il y a des amendes à payer, etc. Pourtant, nous voyons bien que les choses ne changent pas vraiment. Cela veut dire que le champ de bataille n’est pas forcément sur le côté légal ou financier, mais qu’il faut trouver d’autres moyens pour que cela évolue.
Les premières lois datent de 1972-1973, cela fait donc 40 ans, qu’est-ce qu’on attend ? C’est absurde ! Donc si c’est absurde, autant jouer dessus. Les gens se sont insurgés contre Pink Jobs, mais en réalité, ils s’insurgeaient contre la réalité du système.
Quel était votre plan de communication une fois que le site était en ligne ?
Notre communication a été sur LinkedIn dans un premier temps, puis j’ai posté sur mon compte perso. On a joué sur la naïveté, c’est à dire qu’on a partagé le site, mais sans dire que nous l’avions fait. D’ailleurs « Equally work » n’apparaît qu’à la toute fin du site de Pink Jobs.
Nous pensions que notre post allait faire 5 likes, 3 partages, 1 commentaire, mais il a eu énormément d’impact. À partir de là, ça nous a complétement échappé. La publication a été vue 25 000 fois. il y a eu tellement de partages et de commentaires que LinkedIn l’a choisi en post « à la une ».
Ensuite, c’est instagram qui s’est emballé. On a partagé une story et là… En seulement 1 jour et demi notre nombre de followers a doublé. Le truc s’est complètement emballé. Quand l’article de Madyness a été publié, alors là, c’est parti dans les tours !
Le site d’Equally Work a fait + 2000 % de trafic et 20 000 personnes sont passées sur le site de Pink jobs.
Quels ont été les retours en général ?
Sur les réseaux sociaux les gens ont beaucoup partagé, mais souvent sans nous mentionner. Nous avons fait un énorme travail de redirection en répondant à chaque fois « Merci d’avoir partagé la campagne d’equally work ».
La plupart des gens ont vraiment joué le jeu en partageant ironiquement avec des légendes du type « Ouais ! Pink Jobs c’est le truc qui nous fallait ». D’autres, moins nombreux, ont tout de suite dit que c’était une campagne de com’.
Dans les commentaires on s’est fait engueuler par des personnes qui nous expliquaient : « Mais non c’est une campagne d’Equally Work ! ». Ça c’était génial en termes de notoriété ! C’est fou quand les gens viennent te voir toi, qui est à la tête de la start-up, pour t’expliquer ta boîte.
En plus des réseaux sociaux, avez-vous eu une bonne couverture médiatique ?
Oui, en termes de com’ pure, ça a été vraiment très bon pour Equally Work. Pour les médias, alors que nous n’avions rien prévu, nous découvrons tous les jours un nouvel article. Ce weekend par exemple, on a découvert qu’un magazine australien a repris l’article de Paulette. À chaque fois Equally Work est nommé, mais ils jouent tous le jeu avec des titres provocateurs comme : « Pink Jobs la start-up pour faire des économies ».
Tout le monde a finalement saisi le second degré de la campagne ?
Il y a eu de faux débats. Des personnes ont commenté en étant complétement à côté du sujet. Maddyness avait mis pour illustrer l’article, une photo de paires de jambes de femmes en tailleurs et talons aiguilles. Des internautes se sont insurgés parce que ça ne représentait pas vraiment les femmes au travail.
Il y a eu aussi sur LinkedIn, un doctorant en RGPD (Règlement général sur la protection des données) qui a fait un pavé énorme sur le fait que Pink Jobs ne respectait pas la législation et le RGPD. On s’est bien marré.
Avez vous déjà vu des répercussions concrètes sur Equally Work ?
Pour le trafic, on a fait +2000 % ce qui est juste énorme. En matière de conversion, en 2 jours, on a fait autant qu’en 1 mois et demi. Dire qu’on a fait ça avec 15€ et deux heures… Avec plus de budget ça aurait été encore plus fou. Nous avons déjà d’autres idées de campagnes, mais on ne vous en dit pas plus !
Nous avons hâte de découvrir les nouvelles campagnes de cette start-up pleine de ressources. En attendant pour lutter contre les inégalités dans le monde de l’entreprise, rendez-vous sur : www.equallywork.com
Étiez vous tombé.e sur cette campagne ? Qu’en aviez-vous pensé ?