Les derniers (tristes) événements autour de l’intolérance, la diffamation ou le cyber harcèlement – dénoncé notamment par La revue de Kenza et Deedee Paris – en France, nous ont, une fois de plus, interrogé sur notre faculté individuelle à faire changer les choses. La question de savoir comment prendre la parole et avoir le courage de dire tout haut ce que l’on pense, pas si bas que cela, se pose plus que jamais.
C’est pourquoi, j’ai donné la parole, ou plutôt le clavier, à Mallory, spécialiste du décryptage des problématiques culturelles et sociétales, de partager son avis et ses conseils pour (enfin) participer au changement.
Après le petit séisme provoqué par l’affaire de la ligue du Lol, j’ai ragé sur la lâcheté des témoins qui ont assisté durant des années à ce harcèlement public, sans bouger le petit doigt.
Malgré tout, j’ai conscience que ce n’est pas toujours évident de prendre la parole pour exprimer ses opinions et défendre un groupe opprimé. Le risque évident étant de se mettre à dos le groupe d’oppresseurs et de devenir la prochaine victime.
Dans cette affaire la difficulté à prendre la parole, et parler de ses émotions, est assez évidente, mais quand est-il de nos non prises de position au quotidien ? Pourquoi il est parfois si difficile de dire à voix haute ce que l’on pense tout bas et comment progresser dans cette voie ?
Pour vous proposer des pistes, je me suis appuyée sur l’article de Chérie Aimée, diffusé sur le site influencive.com. Elle y explique que pour réussir à exprimer ses opinions et émotions plus librement et avec assurance nous devons nous poser cinq questions.
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Quels bénéfices tires-tu à ne pas exprimer tes idées ?
En général, lorsque l’on n’exprime pas une idée ou un ressenti, c’est que nous avons peur du jugement des autres. On appelle cela communément le trac et ce sentiment désagréable est extrêmement bien expliqué dans le podcast émotions animé par Adèle Pojzman-Pontay, produit par Louie Média. Nous sommes angoissé.e.s de prendre la parole en public, car nous avons peur d’être rejeté.e par les autres, isolé.e, ne plus être aimé.e, ou même de mourir. Bon, ok, cela sonne un peu dramatique, mais c’est à peu près l’idée.
Au-delà du trac qui est contrôlable, il est intéressant de réfléchir à notre histoire personnelle, et de se demander pourquoi nous ressentons un sentiment de sécurité lorsque l’on s’abstient de s’exprimer ?
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Penses-tu être la seule personne à ressentir ce que tu ressens ?
Il est possible de ne pas pouvoir se montrer tel.le que l’on est, car on se sent seul.e au monde, mais c’est en ça qu’internet est incroyable. Sur la toile, vous trouverez toujours des personnes qui n’hésitent pas à prendre la parole sur des sujets très personnels. Découvrir des communautés qui ont les mêmes opinions et sentiments que nous peut être d’une réelle aide. Se trouver des pairs est l’une des clés pour être plus à l’aise avec soi-même et considérer ses sentiments à juste titre.
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Quel message transmets-tu aux autres et à toi-même en n’osant pas exprimer tes opinions ?
Lorsque nous n’osons pas exprimer nos émotions, c’est peut-être qu’inconsciemment nous pensons qu’elles ne sont pas justifiées, qu’elles n’en valent pas réellement le coup. Pourtant, c’est faux ! Toutes vos émotions sont valides.
Sans le vouloir, nous dissocions souvent les paroles qui ont une nécessité d’être dites et les autres, qui doivent être tues. En réfléchissant de cette façon, il devient commun de juger les opinions des autres, dignes d’intérêt ou non. Je pense que nous sommes tous.tes d’accord pour admettre que ce n’est pas très positif.
Être vous-même et vous exprimer sur ce que vous ressentez suffit, vous n’avez pas besoin d’être brillant.e pour prendre la parole. You are enough.
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Qui souffre lorsque tu n’exprimes pas une opinion ?
Nous sommes facilement obnubilé.e par nos propres peurs lorsqu’il s’agit de prendre position. Seulement, parfois, lorsque l’on ne s’exprime pas cela a également un coût pour les autres. C’est tout à fait le cas dans des situations de harcèlement, ou d’injustices de manière générale. Nos actions ont un poids, mais notre immobilité et notre silence aussi, ne l’oublions pas.
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Qui sont ces personnes qui osent prendre courageusement la parole lorsque c’est nécessaire ?
Peut-être que vous avez en tête beaucoup de noms de personnes que vous admirez qui seraient capables de cet acte. Pourtant, je vous le dis tout de go, la seule personne sur laquelle vous pouvez compter c’est vous.
Nous avons tous en nous une voix intérieure qui sait quand elle devrait se faire entendre. Nous n’avons pas besoin de nous transformer pour oser nous exprimer. Il faut se souvenir que le sentiment de malaise que l’on ressent avant de parler est passager et que parfois, le sentiment lié à notre silence est plus pesant.
Je tiens tout de même à rappeler que nous ne partons pas tous sur un pied d’égalité et que c’est plus compliqué – du fait du plus grand nombre de répercussions et d’enjeux – pour une personne faisant partie d’un groupe minorisé, par exemple, de s’exprimer.
Lorsque l’on se pose ces cinq questions, on réalise plus facilement que nous n’avons pas à nous censurer ou cacher ce que l’on ressent. Peu importe si cela peut mettre les autres mal à l’aise, l’important est de porter la voix en adéquation avec nos émotions.
Evidemment, ce n’est pas simple. Mais cela vaut véritablement le coup, car c’est en confrontant différentes opinions et en libérant la parole que la société avance.
Cerise sur le gâteau, n’oubliez pas que lorsque l’on ose montrer qui on est, on se sent alors plus entier.e.
Très intéressant ton article, tu pointes du doigt beaucoup de choses importantes. Il faut beaucoup de courage parfois pour dire tout haut ce qu’on pense tout bas, surtout quand c’est à contre courant car alors on doit s’opposer à nos instincts et à nos réflexes de survie… Mais je crois que plus on prend ce risque, plus on ressent la satisfaction d’être soi-même. Et alors on attire vers nous des gens qui nous ressemblent… C’est un cercle vertueux !
Merci beaucoup ! Tout à fait, ce n’est pas simple mais ça vaut le coup lorsqu’on peut se le permettre 🙂
Je suis su genre à dire ce que je pense que ça pose problème ou pas. on a le cas d’une collègue qui traite les gens n’importe comment, tout le monde râle mais personne ne va lui parler. J’ai horreur de ces personnes qui se prennent pour les meilleurs et se permettent tout. Parler permet à certains aussi de se rendre compte qu’une situation n’est pas normale et à un moment il faut dire stop.
C’est vrai que sur le moment on n’ose pas trop s’exprimer par peur de la réaction de la personne en face. Est-ce qu’elle va mal le prendre, est-ce que ça va dégénérer, est-ce que notre message innocent va être répété et déformer, au point où ça va se retourner contre soi ?
Du coup, j’ai tendance à attendre que quelqu’un d’autre ouvre la brèche pour ensuite en rajouter une couche.
Mentir, je déteste, de toute manière mon ressenti se lit sur mon visage, je peux pas le cacher. Si une personne me saoûle ou m’agace, ça va se voir direct. Soit je ne lui parle pas, soit je lui parle sèchement. Mais je n’irai pas au conflit, c’est pas dans ma nature. Je laisse ça aux autres. Par contre, une fois que la brèche est ouverte, si j’ai mon mot à dire je le dis. Mais je fais en sorte que l’origine ne vienne JAMAIS de moi 😉
Ce n’est pas évident de s’interposer lorsque tout le monde autour de nous reste silencieux. C’est une sacrée qualité !
En ce qui me concerne j’aurais plutôt le problème inverse : je dis beaucoup trop directement les choses. Je parle de problème parce qu’à plusieurs reprises, j’ai constaté que très peu de monde était capable d’encaisser un tel degré de franchise, et ça m’a causé de très nombreux problèmes… Aujourd’hui je réfléchis bien plus, et je suis justement guidée par cette peur dont tu parles à cause de tout ce qui m’est arrivé. Il va falloir que j’arrive à trouver un juste milieu je crois, et j’espère que mon blog m’y aidera.
Ah oui c’est toute la difficulté de trouver l’équilibre entre la franchise et l’empathie pour ne pas heurter gratuitement les autres. Pas simple, mais si tu travailles dessus je ne doute pas que tu y arriveras de plus en plus facilement.
Très bel article… qui a mène a beaucoup réfléchir. Je suis un peu une « sans filtre » alors ça me parle beaucoup. Je suis un peu le versant de ceux qui se prennent les retours mais c’est ok, je préfère ça. J’apprends de mon côté à dir les choses de manière plus apaisé. Comme ma mère vient de me les conseiller (pas encore regardés), regarde https://www.france.tv/france-5/pourquoi-nous-detestent-ils/. Ça a l’air incroyable…
Merci pour ce lien, je vais regarder ça 🙂
Article très intéressant, c’est vrai que se poser ces questions peut réellement aider à relativiser, à lâcher prise et à se respecter en ne gardant pas tout pour soi. c’est difficile, plus pour certaines personnes que pour d’autres mais avec l’envie d’y arriver et un travail sur soi, c’est possible. Ma grande difficulté est d’exprimer mes désirs, besoins, émotions. Je garde tout en moi et j’attends malheureusement d’être en colère pour tout faire sortir. Mais en faisant ça, je ne dis pas les choses comme je les pense, tout est exagéré et mes mots peuvent être blessant pour l’autre et pour moi-même. J’ai encore du travail pour y arriver mais ça vient! 😉
Ne t’inquiète pas Juliette tu sais on évolue et on apprend avec le temps. Que tu sois consciente de ta façon de fonctionner et déjà super. Je suis sure que tu arriveras à t’ouvrir plus facilement pour éviter l’effet cocotte minute 😉